Guernesey, 28 mars [18]64, lundi midi
C’est bien la peine, vraiment, d’avoir terminé ton travail hier pour en recommencer un autre ce matin qui te fasse oublier jusqu’à l’heure de ton déjeuner. Si j’étais auprès de toi, je te gronderais d’importance pour t’apprendre à te maltraiter de la sorte. Malheureusement mes grogneries n’arrivent qu’après-coup et d’ailleurs seraient-elles à temps, que tu t’en ficherais la même chose. La conscience de mon inutilité ne m’empêchera pas pourtant pas de protester quand même à présent et toujours, ici et partout voir même AILLEURS et à ce sujet je vous demanderai quellea sera votre heure de sortir aujourd’hui. Justement vous voilà. Quel bonheur ! Il faudrait pourtant aviser à empêcher ces vilaines insomnies qui reviennent si souvent troubler tes nuits, mon cher petit homme adoré, peut-être ferais-tu bien de consulter Corbin qui te donnerait quelque chose pour calmer tes agitations nerveuses. Toi qui le conseillesb si bien aux autres pourquoi ne pas prêcher d’exemple ? Répondez tout de suite et répondez bien. En attendant les trompettes guerrières emplissent l’air de leurs fanfares et la jeune Élisabeth bondit sur sa chaise d’impatience d’aller contempler le tourlourou local sur l’HYVREUSE [1] dans la grrrrande tenue. Ce à quoi je ne m’oppose pas car je n’y gagnerais rien qu’un peu de mauvaise humeur peut-être. J’aime mieux permettre ce que je ne peux empêcher. Et puis je t’adore toi.
J.
BnF, Mss, NAF 16385, f. 86
Transcription de Marie-Laure Prévost
a) « qu’elle ».
b) « conseille ».