Guernesey, 24 mars [18]64, jeudi matin, 11 h.
Tu ne le croiras peut-être pas, mon adoré bien-aimé, et cependant c’est la vraie vérité, je suis toute émue en ce moment de la pensée d’assister tout à l’heure au banquet de tes chers petits enfants [1]. Il est vrai que tu es dans cette pensée et que cela seul suffit à m’émouvoir et à faire trembler mon âme d’attendrissement. Comme il serait possible que tu voulusses profiter peut-être malgré la poste d’un rayon de ce beau soleil après le repas de tes bons petits hôtes, je me prépare à tout événement, quitte à rester chez moi là-bas ou chez moi ici, cela dépendra du tas plus ou moins gros d’épreuves qui te sera arrivé aujourd’hui. Je serai prête à tout, voilà ce qui est sûr et ne t’inquiète pas du reste. Pourvu que je puisse t’aimer sans crainte de t’obséder, peu m’importe le temps et le lieu. Il faudra que je prenne un jour pour récapituler et totaliser toutes les notes de de Putron, ce qui ne sera pas une petite besogne car il y en a beaucoup. Puis je voudrais aussi me mettre à ton bas. Pour cela il me faut la lumière du jour. J’espère que, la maison finie, j’aurai plus de temps à moi pour cela. En attendant je t’aime de bas en haut et du haut en bas.
J.
BnF, Mss, NAF 16385, f. 83
Transcription de Marie-Laure Prévost