Guernesey, 8 février [64], lundi, 1 h. ½ après-midi
Je serai tout à l’heure auprès de toi, mon bien aimé, ce qui ne m’empêche pas d’éprouver le besoin de te laisser mon petit gribouillage ici afin que quelque chose de moi garde nos chères petites pénates pendant que nous trottinerons dans la neige. C’esta une rareté dont il faut profiter car le soleil l’aura bientôt fait disparaître. J’ai encore quelque chose à faire dans MON SERVICE mais je vais tant me dépêcher que je serai au rendez-vous à l’heure MILITAIRE. À propos de service il paraît que la sœur d’Élisabeth a dit hier au soir à ta Marie que la pauvre petite n’allait pas mieux au contraire. Cette triste nouvelle, trop facile à prévoir, m’a donné l’occasion de demander à Marie si elle connaissait une servante honnête qui pût me convenir. Justement dès hier elle avait d’elle-même pensé à une bretonne de sa connaissance, domestique dans une ferme à Saint-Martin, ancienne couturière dans son pays et qui ne demande qu’à quitter son service de campagne très dur pour un service à la ville plus doux qui la fatiguerait moins et qui lui permettrait d’aller à la messe tous les dimanches. Grande recommandation auprès de Marie, du reste il paraît qu’elle la connaît assez pour répondre de sa probité et de ses meurs, ce qui est bien quelque chose dans ce pays de libertinage. Enfin je crois que je vais m’aboucher avec cette fille faute de mieux, et puis je t’aime, toi, mets ça dans ton cœur.
BnF, Mss, NAF 16385, f. 39
Transcription de Marie-Laure Prévost
a) « Cette ».