Guernesey, 20 janvier [18]64, mercredi, 4 h. du soir.
Il manquerait quelque chose à mon cœur, si je ne te gribouillais pas ma restitus tant bien que mal, mon doux adoré. Aussi quoiqu’il soit déjà presque nuit et que j’aie encore bien des chiens à fouetter autour de moi je te donne mon âme d’arrache plume et à tout crin. J’ai la joie dans le cœur en pensant à notre petite fête de ce soir. Tête-à-tête bien court mais charmant et bien doux. D’ailleurs je mettrai le bonheur double pour en prendre davantage pendant que nous serons seuls ensemble. J’espère que tu ne viendras pas trop tard pour n’être pas rattrapé par le citoyen Kesler, lequel viendra évidemment de trop bonne heure. Tâche que ton café ne soit pas trop long à se faire pour que nous ayons un peu de temps devant nous. C’est si bon d’être ensemble que je voudrais ne pas perdre une minute de celles que tu peux me donner. Pense à moi, mon bien-aimé, aime-moi et reviens vite pour que rien ne manque à mon bonheur. Je te baise de toutes mes forces.
J.
BnF, Mss, NAF 16385, f. 21
Transcription de Marie-Laure Prévost