Guernesey, 14 juin 1865, mercredi, 7 h. ¾ du matin
Je t’aime, mon bien-aimé, je suis contente. Je le serais encore davantage si je ne pressentais pas que tu as eu, comme moi, une mauvaise nuit. Il est probable que la température inaccoutumée de cet été y est pour quelque chose, du moins pour moi, car pour toi, mon cher petit lézard, cela ne peut pas être le vrai motif et l’excès de ton travail pourrait bien être la seule cause de tes insomnies fréquentes. Quoi qu’il en soit, je vois par l’heure de ton lever que nous avons très peu dormi l’un et l’autre cette nuit. J’espère que la promenade tantôt nous redonnera un petit fion [1] de verdeur et de santé. En attendant je ne sais pas au juste à quoi tu t’es arrêté pour la copie de ta jeune protégée. Il faudra que tu t’entendes à ce sujet avec Mme Chenay, la seule qui après tout ait voix au chapitre avec connaissance de cause. Il y a aujourd’hui un an que j’ai pris possession de ma belle maison [2] sans que depuis le souvenir de mon modeste petit logis me tienne toujours autant au cœur que le jour où je l’ai quitté pour toujours. Tant que je vivrai je regretterai ton doux voisinage d’où je te regardais vivre de tout près.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 149
Transcription de Claire Villanueva