30 août [1850], vendredi matin, 10 h.
Bonjour, mon Toto, bonjour, mon tant doux, mon tant bon, mon tant beau, mon tant adoré Toto, bonjour. Tu sais, ou plutôt tu ne sais pas que j’ai pris cette nuit et ce matin une partie de ma dernière médecine Künckel. Aussi je t’écris entre deux coliques et du style le plus…… piteux du monde. Demain cette atroce ordure sera finie, grâce au ciel. Mais, somme toute, je trouve la guérison bien médiane et, relativement, négative eu égard au magnifique résultat qu’on me promettait de ce coûteux et révoltant traitement. Ce marchand d’onguent et d’orviétan n’a pas démenti la noble famille de charlatan à laquelle il appartient plus ou moins. Après cela il est vrai que, pour ne pas se trouver en flagrant délit de charlatanisme, il a eu la précaution de me prescrire 15 bains de mer que je ne pouvais pas prendre. Voime, voime, fort adroit. Le Bère Guïnguel n’est bas si pête [1] que j’en ai l’air…. Interrompu par… la colique c’est une assez absurde position que celle où je me trouve, mon cher petit homme, et peut-être vaudrait-il mieux que je ne veuille pas courir deux lièvres à la fois et m’en tenir à mes borborygmes seulement sans entremêler des soupirs d’amour très peu en rapport avec la situation. J’aurais voulu porter moi-même ton ravissant dessin à cette pauvre malade [2] pour être témoin de sa joie mais le temps est si grimaud et si maussade que je ne sais si je pourrai accomplir ce projet. En général tout me réussit dans ce genre-là il n’y a pas un de mes désirs petit ou grand qui ne soit contrecarré par de stupides et agaçants empêchements. En attendant mon adoré bien aimé, je te remercie pour elle et pour moi et je te bénis de toutes mes forces et de toute mon âme.
Juliette
Collection particulière / MLM Paris 66219
Transcription de Gérard Pouchain