29 août [1850], jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon affreux barbouilleur, bonjour. Comment allez-vous ce matin ? Moi j’ai cru que j’allais faire une vraie maladie hier car j’ai été très souffrante mais une transpiration abondante qui m’a duréa toute la nuit m’a remise sur pied et ce matin il n’y paraît presque plus. Quand je suis arrivée hier chez mes gens ils étaient à table seuls, le Lacombe dînant en ville. Du reste je suis revenue de très bonne heure car j’étais vraiment malade. Cela n’a pas beaucoup réussi car l’omnibus arrivé à la place Beauvau s’est trouvé arrêté par l’entrée triomphale du président [1]. Quelques centaines de braillards dont un recruté au bain Lambert [2], beaucoup de troupes, voilà le personnel de la mise en scène hier. Force nous a été de rebrousser chemin, puis, arrivés à la rue Lamartine, nous nous sommes trouvés au milieu de trois régiments qui revenaient du chemin de fer. Dans mon impatience nerveuse je suis descendue au milieu d’eux et je me suis glissée le long des maisons comme j’ai pu jusqu’à ma charmante rue Neuve Coquenard, ce qui ne m’a pas empêchée, somme toute, d’être rentrée à 9 h. ¾. Voilà le récit de cetteb odyssée peu antique et encore moins sublime. Du reste il paraît qu’il y a eu un affreux suicide chez le fondeur Crosse, un homme qui en avait tué un autre dans la journée s’est tué chez une femme qu’il était venue voir d’un coup de couteau au cœur. Tout cela avait amené beaucoup de monde dans la rue à ce que dit Suzanne et a fait une grande sensation dans le quartier. Quant à moi j’étais trop abrutie par le mal pour m’intéresser à aucun de ces événements, pas plus au triomphe du président qu’à la mort de ce misérable. Je ne sentais que deux choses mon amour et mon mal.
Juliette
Collection particulière / MLM Paris 71634
Transcription de Gérard Pouchain
a) « durée ».
b) « cet ».