Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1850 > Août > 24

24 août [1850], samedi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Je ne vous demande pas à quelle heure vous êtes revenu hier, mais si vous êtes revenu ? Et comment va votre gorge ? Il est probable que vous dormez encore, surtout si la journée a été laborieuse et si Madame H. Lucas [1] vous a fait faire le grand exercice. Vous me direz cela tantôt de bonne heure, je l’espère. En attendant, je profite du pauvre petit rayon pâle de soleil qu’il fait dans ce moment-ci pour faire sécher votre batterie de cuisine et vos comestibles. Vous saurez que je suis invitée de plus en plus chez mes Marquis [2] et que je dois, selon eux, y aller encore dîner ce soir parce que le Falempin et sa femellea ne peuvent pas venir dimanche, qu’il y a des anguilles monstres et enfin parce qu’on me trouve MAIRMANTE, PARFAITEMIN, PARFAITEMIN. J’ai dit que cela me paraissait difficile au risque d’avoir l’air de me faire valoir outre mesure. Mais le fait est que je ne me sens pas d’humeur à vous quitter une heure plus tôt pour faire plaisir à ces bons goinfresb. Du res[te], ils se sont fort enquis de savoir comment tu avais trouvé leur dîner et si tu étais content d’eux. Je leur ai dit que oui en leur donnant comme preuve évidente le souvenir de ton appétit à table. Maintenant, tu peux considérer leur maison comme la tienne et y manger quand, comme et autant que tu voudras et même, si j’en juge d’après moi, plus que tu revoudras. Le Lacombe a mangéc nos restes et son affreuse compagnonne [est] venue le soir au moment où je m’en [alla]is. Voime, voime, très jolie. Je vous la permets.

Juliette

MVHP, MS a8434
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « femmelle ».
b) « goinffres ».
c) « à manger ».


24 août [1850], samedi après-midi, 2 h. ½

Tu ne viens pas, mon bien-aimé, il paraît que mon absence, mon chagrin, tout cela ne te pèse pas sur le cœur. Hélas ! que n’en n’est-il de même pour moi. Je ne souffrirais pas autant et je ne me donnerais pas le ridicule d’aimer qui ne m’aime pas.
Il paraît que tu es allé voir Eugénie hier ? J’en suis heureuse comme femme et comme parente de cette pauvre créature malade [3]. Cependant, je trouve que tu étais bien pressé de me quitter puisque tu as à peine pris le temps de te laisser insuffler ton aluna. Il paraît que tout ce qui n’est pas moi ab ta sollicitude et ton loisir. J’en félicite tous ceux-là, mais je ne peux pas m’empêcher de laisser sangloter mon âme en pensant que moi seule suis excluec de tes attentions, de tes soins, de ton temps et de ton affection. Peut-être cette femme de Rouen [4] était-elle là, c’est probable même car elle est revenue depuis samedi et elle n’en quitte pas. Je souhaite, mon bien-aimé, que le mal que tu me fais ne retombe pas sur toi, mais si tu pouvais voir dans quel état je suis dans ce moment-ci, tu te trouverais bien coupable et bien méchant.
Mon Dieu, donnez-moi la force de résister à la tentation, d’en finir brusquement avec cette affreuse passion ridicule qui survit à l’amour de l’homme que j’aime plus que ma vie.

Juliette

MVHP, MS a8435
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « alum ».
b) « à ».
c) « exclus ».

Notes

[1Femme d’Hippolyte Lucas.

[2Les Montferrier.

[3Eugénie va mourir d’hydropisie.

[4À identifier. Lors de leur voyage à Rouen avec les Vilain en septembre 1849, Juliette avait été jalouse d’une femme à qui Hugo avait fait les yeux doux.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne