Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1850 > Août > 23

23 août [1850], vendredi après-midi, 1 h.

Je t’ai tout préparé, mon cher bien-aimé. Depuis ce matin, j’ai fait sécher au soleil ta poudre d’aluna et tout le petit appareil en bien. Tout à l’heure, je viens d’y passer une bouteille en guise de rouleau. Je n’ai plus qu’à t’insuffler la chose, ce que je ferai avec tout le zèle et toute l’attention dont je suis capable. En attendant, je ne serais pas très fâchée que vous veniez passer quelques instants auprès de moi avant de vous en aller pour toute la journée. Mais je vois bien que vous ne viendrez que le temps juste de vous faire insuffler. Cependant, vous savez bien que ma seule joie, mon vrai bonheur, c’est vous aussi. C’est pour cela que je suis si HEUREUSE. Voime, voime, croyez cela et buvez du coco, vous n’irez pas de travers. Pourtant, j’ai de meilleures nouvelles de tous mes pauvres malades. Eugénie va mieux bien décidément, Auguste [1] est moins mal ce matin, et le petit garçon paraît devoir très bien passer sa petite vérole. Si vous veniez et si vous restiez un peu de temps avec moi, je serais vraiment bien contente. En attendant, je rage dans ma peau de Juju et je me ronge les foies d’impatience. Taisez-vous vilain homme, je ne vous emmènerai plus dîner avec moi. Attrapéb. Taisez-vous et venez tout de suite, ça vaudra bien mieux.

Juliette

MVHP, MS a8432
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « alum ».
b) « attrappé ».


23 août [1850], vendredi après-midi, 1 h. ½

Oh ! Vous n’êtes pas au bout ; je me venge comme je peux et je fais de mes gribouillis autant de projectiles que je vous jette à tort et à travers. Ce que je ne peux pas vous donner en caresses, je vous le donne en sottises. Je ne connais que cela des baisers ou des stupidités. Vous avez le choix en somme, et puisque vous ne prenez pas l’amour, c’est que vous préférez la fureur. Vous serez servi à souhait, monseigneur Toto. Oui, je te hais ! Je te hais ! Je te hais ! oui, je te hais dans l’âme ! Voime, voime, essaiea et tu verras comme il t’en cuira. Avec tout cela, pour un homme pressé d’aller à la campagne, vous ne vous hâtez guère de prendre la clef des champs. Quelle chaumontelle avez-vous donc à fouetter encore aujourd’hui ? En vérité, vous êtes l’homme le plus affairé de France et de Navarre, et même de la République. Si vous voulez, je vous aiderai dans cette besogne et je vous réponds que je n’irai pas de main morte, et que j’aurai bientôt troussé, je veux dire EXPÉDIÉ toutes les chaumontelles de la capitale, voire même des trains de plaisir de tous les départements. Pourquoi ne me prenez-vous pas pour collaborateuse, je vous aurais bien vite débarrassé de toutes vos occupations anacréontiques. Mais vous tenez à honneur de représenter vos cent dix-sept mille mandataires. Je comprends alors que vous n’ayez plus une seule minute pour la pauvre Juju qui vous aime.

MVHP, MS a8433
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « asseyes ».

Notes

[1Auguste Pierceau.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne