21 août [1850], mercredi matin, 11 h.
Tu n’aurais pas pu venir, mon pauvre doux adoré, voilà ce que je craignais car, outre le chagrin de ne pas te voir, j’ai la crainte que tu n’aies pas songé à te gargariser [1]. Maintenant il n’est plus probable que tu puisses venir puisque la cérémonie est indiquée pour onze heures et quoique cette indication comporte au moins une ou deux heures de retard, je n’espère plus te voir maintenant [2]. Pensant que je te verrais dans la matinée j’avais résolu de ne pas aller chez Mme de Montferrier aujourd’hui mais comme tu n’as pas prévenu de cette nouvelle résolution ce serait tout à fait inutilement que je t’attendrais chez moi. Aussi ne le ferai-je pas. J’irai chercher un peu de diversion à toutes les idées tristes et poignantes qui m’occupent dans ce moment-ci [3]. Peut-être que le grand air chassera un peu mon mal de tête. Mais ce qui serait plus puissant que tout cela ce serait une bonne et tendre pensée de toi. Je t’assure que si je sens mon cœur se desserrera et ma tête se rafraîchirb dans la journée je ne l’attribuerai ni à mon entourage quel qu’ilc soit, ni à l’état de l’atmosphère, je t’en laisserai tout l’honneur et je te donnerai toute ma reconnaissance. En attendant, prends soin de toi, mon petit homme, prends garde aux refroidissements. Ne te laisse pas trop entourer ni trop admirer pour ménager tes forces. Tâche de venir me voir ce soir je serai rentrée de bonne heure. Pense un peu à moi et aime-moi aussi un peu. De mon côté je pense, j’agis et je vis en toi et par toi et pour toi.
Juliette
Collection particulière
Transcription de Gérard Pouchain
a) « désserer ».
b) « raffraîchir ».
c) « quelqu’il ».