15 août [1850], jeudi matin, 9 h. ½
Bonjour mon adoré, bonjour mon cher petit homme. Je viens de saluer votre fenêtre entrouverte en revenant de la messe. Bonjour. Eh ! bien, où avez-vous dîné enfin hier ? Est-ce chez vous et au cabaret ? La soirée du reste était assez belle pour vous permettre cette petite culotte républicaine. Quant à moi, après ma visite à Eugénie que j’ai trouvée un peua mieux [1], je suis allée chercher votre eau de menthe à la halle, puis je suis rentrée chez moi, en proie au plus hideux mal de tête, et je me suis couchée toute seule comme un pauvre chien. Cependant je n’ai pas le droit de me plaindre car vous aviez été là tantôt aussi bon, aussi tendre et aussi charmant que vous aviez été méchant, durb et féroce quelques heures auparavant. Je sais bien que j’y avais contribué pour beaucoup, si ce n’est pour le tout, mais ce n’est pas une raison, au contraire. Un homme comme vous ne doit pas subir les mauvaises influences d’une absurde Juju et surtout l’en punir aussi cruellement. Très sérieusement, j’en ai été malade et j’en suis encore endolorie. Une autre fois vous voudrez bien ne pas interpréter de cette façon ma sollicitude pour ma propriété nationale.
Juliette
Leeds, BC MS 19c Drouet/1850/34
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « peux ».
b) « dure ».
15 août [1850], jeudi après-midi, 3 h.
Tu as sans doute pris ton bain ce matin, mon cher petit homme, tu serais bien gentil de songer un peu à moi maintenant et de m’apporter ton cher petit museau à baiser.
Je te livre mon album, mes albums et tout ce qu’ils contiennent de papier blanc. Je te livrerai tout ce que tu voudras pourvu que tu viennes. Malheureusement vous avez emporté chez vous toute votre batterie de cuisine de sorte que vous pouvez faire vos gribouillis tout seul et je vois que vous n’y manquez pas. Si vous croyez que c’est là ce qui peut me faire oublier mes torts d’hier, vous vous trompez cruellement et je suis toute prête à recontinuer mon chagrin et à reprendre mes remords. Si vous ne vous dépêchez pas de venir je suis très capable de me refaire tout le mal d’hier pour me punir de vous avoir si bêtement donné le prétexte de rester chez vous quand rien ne vous y oblige. Mon cher petit homme, je vous attends et je trouve le temps bien long et bien maussade en vous attendant. Tâchez de venir le plus tôt possible et je vous ferai des miracles de dessins ? Si non vous n’aurez plus jamais de mes chefs-d’œuvrea. Voyez maintenant si vous voulez venir.
Juliette
Leeds, BC MS 19c Drouet/1850/35
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « chef-d’œuvres ».