4 août [1850], dimanche matin, 8 h.
Bonjour mon Toto aimé, bonjour, mon Victor vénéré, bonjour, je baise tes pieds en signe de respect et de dévotion, bonjour. J’ai rencontré Vilain en chemin hier qui venait chez moi, désespéré de l’état de souffrance dans lequel se trouvait Eugénie dans ce moment-là [1], plus sa mère qui venait d’arriver chez lui malade. Après l’avoir consolé et tranquillisé un peu dans la rue, je suis montée chez lui et j’ai été effrayée de la crise dans laquelle se trouvait cette pauvre femme. Dans le désir de la soulager je suis allée chez un pharmacien demander un calmant inoffensif malgré la médecine homéopathique qu’elle suit. Je suis restée auprès d’elle jusqu’à dix heures et demiea sans avoir remarqué aucun soulagement. J’ai laissé l’adresse du père Triger dans le cas où M. Leboucher, que Vilain était retourné chercher, ne viendrait pas. J’ai promis d’y aller ce matin savoir comment s’était passéeb la nuit mais je n’ai pas voulu y passer sans m’être réconfortéc de ton amour et sans avoir versé dans ton âme le trop-plein de la mienne. Cher adoré, soigne-toid bien, guéris-toi bien vite afin que mon pauvre cœur n’ait rien à craindre ni à désirer de ce côté-là.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16368, f. 237-238
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « demi ».
b) « passé ».
c) « réconforter ».
d) « soignes-toi ».
4 août [1850], dimanche, midi ¾
Ainsi que je te l’ai écrit ce matin, mon petit homme, je suis allée chez les Vilain [2] que j’ai trouvésa plus tranquilles. M. Leboucher sortait de chez eux comme j’arrivais. Il pense que cette affreuse crise amènera une amélioration dans la santé si délabrée de cette pauvre Eugénie. Tout cela m’a empêchéeb d’aller chercher mon couvert. J’irai demain. Dans ce moment-ci je fais force de voiles et de rames pour être prête de bonne heure afin d’envoyer Suzanne chez Mme de Montferrier assez à temps pour être utile. De ton côté, mon cher petit homme, tâche de venir bien vite pour que je ne perde rien du pauvre petit lot de bonheur que tu me donnes presque tous les jours. J’espère que tu pourras me conduire jusqu’à la porte de ces hideux réactionnaires [3], mais tu les comblerais de joie et d’honneur si tu daignais les visiter. Quant à moi je ne t’en presse que pour prolonger d’un moment de plus le bonheur d’être avec toi. Tu feras ce que tu voudras, mon amour, je respecte toutes tes volontés même quand elles rognent une partie de mon bonheur.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16368, f. 239-240
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « trouvé ».
b) « empêché ».