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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er août 1850

1er août [1850], jeudi matin, 7 h.

Bonjour, mon ravissant bien-aimé, bonjour et merci car tu as été on ne peut pas plus charmant hier pour mes affreux hôtes, merci, mon adoré, santé, joie et bonheur à toi et à tous ceux que tu aimes, merci. J’espère que ce dîner si gai et si aimable ne t’aura pas fait de mal et que tu auras passé une bonne nuit ? Quant à moi qui suis décidément une vieille patraque j’ai eu des maux d’estomac horribles sans parler des immondes punaises qui m’ont tourmentée toute la nuit. Aussi ce matin je vais leur faire une guerre d’extermination. Et, quoique je sois très fatiguée, je me suis levée de bonne heure pour m’y mettre plus tôt. Je vais avec l’aide de Suzanne démonter mon lit et le visiter de fond en comble ainsi que les murs, le plafond et le plancher. Depuis mes voyages en Italie, en Espagne et dans le midi de la France [1], je n’avais jamais été en proie à cette horrible vermine comme dans cet affreux petit logis démocratique [2]. Je suis humiliée et révoltée au dernier point. Aussi Dieu sait ce qui va se passer tout à l’heure entre ces hideuses productions de la providence et moi. Mais j’ai voulu t’écrire quelques douces choses avant de me souiller les mains dans cet immonde carnage. Bonjour, mon doux adoré, bonjour, je t’aime plus que tu ne peux le désirer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16368, f. 225-226
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette


1er août [1850], jeudi soir, 8 h. ½

Je viens de voir Jourdain, mon cher petit homme, qui venait solliciter de toi un service pour le 5 de ce mois, car il paraît que toutes ses pratiques sont à la campagne et qu’il ne sait à qui s’adresser pour avoir de l’argent. Je lui ai dit que je t’en parlerais mais je n’osais rien lui promettre. Du reste il est impossible d’y mettre plus de formes et de déférence que n’en met ce brave homme. Un instant auparavant et tout en faisant mes comptes du mois de juillet, je venais de m’apercevoir que j’avais une reconnaissance à renouvelera pour après-demain samedi. Cela me forcera à sortir demain pour la porter chez la mère Lanvin [3]. Je regrette de ne m’être pas entendue avec toi sur l’heure où tu viendrais dans la journée pour la porter dans l’intervalle où tu ne pourrais pas être chez moi. Mais cela ne fait rien car il sera encore temps d’y aller le soir après le dîner. Ainsi tout est pour le mieux dans toutes les pires des [illis.]. Savez-vous, mon petit homme que je suis juste en déficit de mon fameux Balthazar d’hier ? Il va falloir que je me serre diantrement la bedaine ce mois-ci pour arriver à agraferb les deux bouts du chiffre 1 au chiffre 30. Merci d’y penser, il me semble que je sens déjà la sangle sur mes pauvres côtes de Juju. Tout n’est pas rose et plaisir dans le quart d’heure de Rabelais. Ah ! Bah ! je m’en fiche et je suis prête à recommencer si vous voulez en être. En attendant bonsoir, pensez à moi, couchez-vous de bonne heure et dormez bien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16368, f. 227-228
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « renouveller ».
b) « agraffer ».

Notes

[1En 1829, Juliette Drouet a passé plusieurs mois en Italie. Elle voyage en Espagne et dans les Pyrénées durant l’été 1843 avec Victor Hugo

[2Depuis le mois de novembre 1848, Juliette Drouet vit cité Rodier, dans un logement appartenant à M. Cacheux.

[3En 1830, Juliette Drouet endosse la dette de son amant, Scipion Pinel, qui avait signé plusieurs lettres de change en faveur d’une usurière, afin de la couvrir de cadeaux. Victor Hugo assumera seul les dettes de sa maîtresse. En plus du remboursement de la somme colossale réclamée par l’usurière Ribot, Victor Hugo décide de racheter au tapissier Jourdain le mobilier que Juliette Drouet lui doit. Doit-il encore de l’argent au tapissier en 1850 ?

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